25 étudiants de l’Institut Français de la Mode ont lancé la Fashion Week de Paris, Automne-Hiver 2023-2024. Avec cette entrée dans le monde de la mode, les étudiants ont signé un défilé audacieux d’une nouvelle génération engagée, vers une mode militante écologiquement, socialement, et politiquement.
Les diplômés de l’Institut français de la Mode, ont pu présenter leurs créations devant une foule de personnalités. La bigarrure des tenues témoigne de l’originalité d’une nouvelle génération de créateurs audacieux, qui ont pu présenter 24 collections. Les élèves, issus de 23 nationalités différentes, ont su représenter la diversité culturelle de leur promotion.
S’opposant à l’impact environnemental trop important des créations textiles, les étudiants de l’IFM ont proposé des collections créées avec des chutes de tissus venant de maisons de textiles. Certains élèves ont également pu collaborer avec des grandes maisons, comme le 19M de Chanel sur les métiers d’arts.
Les tenues proposées mélangent savamment les genres, pour questionner le masculin et le féminin, à travers une fluidité revendiquée. Cette dernière révèle un changement significatif des mœurs, et montre une fois encore l’engagement de cette jeune génération.
L’étudiante Sud-coréenne Pyo Hong a clôturé le défilé en présentant sa collection de robes de mariées, appelées « Sologamy, I Said Yes » (Sologamie, Je me suis dit « Oui).
Ces robes reflètent un engagement féministe très fort. Elle y dépeint le bien-être de la femme, qui se marie à elle-même plutôt que d’attendre un homme. Interview de cette jeune créatrice prometteuse.
Le titre de ma collection est Sologamie ; Je me suis dit « Oui ». J’ai grandi en regardant des films Disney, et les séries Gossip Girl et Sex and the City. Les médias des années 90 et du début des années 2000 ont indirectement promu l’insécurité chez les femmes, leur faisant croire qu’elles ont besoin d’un prince ou d’un homme pour les sauver, en les convaincants presque que les femmes sont uniquement valorisées quand quelqu’un les aime. L’image de la mariée hystérique a culminé dans les années 90 et 2000 avec d’interminables films et séries télévisées sur des femmes incapables de trouver un mari ou abandonnées à l’autel. Cependant, aujourd’hui, les femmes n’ont plus besoin de l’amour de quelqu’un.
Je veux convaincre que le féminisme et les gens qui se marient à eux-mêmes peuvent être funs. Ce qui motive les mouvements à continuer, c’est la positivité. Cela peut sembler simple et naïf de le dire, la colère peut unir les gens, mais nous avons besoin d’un élément de divertissement pour continuer à poursuivre ce en quoi nous croyons. C’est le sens de Sologamy, qui représente la cause féministe de façon plus « divertissante ». D’ailleurs, plusieurs de mes amis veulent faire un mariage sans conjoint.
Ce dont je veux parler à travers le mot « m’épouser », c’est de se retrouver et de s’accepter en s’engageant envers soi-même. Et pour exprimer cela dans les éléments visuels des vêtements, qui rappellent la féminité conventionnelle, (parce que certaines personnes ont des stéréotypes sur ce à quoi ressemblent les féministes, et avoir l’air féminine n’en fait pas partie), j’ai voulu casser les stéréotypes. C’est, je pense, la direction que le féminisme devrait adopter.
Oui, je crois que la mode est politique, intime et accessible. C’est la meilleure façon d’exprimer son opinion sans parler ; parfois, une image visuelle est plus convaincante que des mots. Être engagé politiquement est assez facile, parce que cela signifie simplement défendre ses convictions : ce que les gens portent, les représentent, qu’ils le veuillent ou non. Et le point le plus important est de savoir comment les gens mettent en pratique ce qu’ils ont exprimé à travers leurs créations. De nombreuses marques promeuvent le féminisme tout en contrôlant la taille des femmes sur le contrat et en n’ayant peu de femmes à des postes de direction. Il y’a une perte de sens lorsque les actes entrent en contradiction avec les paroles. L’industrie de la mode, y compris les étudiants, doit être responsable de ses engagements jusqu’au bout, et pas simplement dans les paroles.
Oui, j’espère que nous avons tous inspiré une jeune génération et même des designers déjà sur le terrain, à s’engager davantage. Lors de la création de nos collections, nous nous influencions et nous motivions déjà mutuellement en partageant nos concepts. Par exemple, une autre étudiante, Salomé Bodin, a illustré à travers des créations en matières durables, une vie de réfugiée, ce qui m’a beaucoup appris sur les enjeux sociaux de la France. Et ça, c’était grâce à la durabilité des tissus. Plus d’étudiants et de designers seront conscients de ces problèmes, et plus nous apporterons tous des changements à l’industrie.
Certaines personnes disent laisser la mode en tant que mode, et ne pas impliquer de messages politiques. Tous les créateurs ne sont pas obligés d’exprimer leurs opinions politiques dans leur collection, mais ne pas être au courant de ce qui se passe dans le monde finira par nuire à certaines personnes sans le vouloir. J’aimerais que plus de designers et de maisons défendent leurs engagements et le pratiquent au sein de l’industrie.